Pourtant
Pourtant tu es un peu ma fille devenue
La chaîne du puits un jour avait craqué
Le seau tombé au fond s’est vite empli de nuit
J’ai crié à ton sang sur ton poignet ton sang
Des abeilles tombaient de la lampe à Bologne
et des souris chantaient dans le grenier
Je retourne à ton ventre telle une graine triste
Pourtant tu es un peu ma fille devenue
mon emmêlée à moi mon aube mon amour
Un coin de la maison longtemps retint l’essaim
Et ma main chaque soir s’endormait dans la tienne
où vivre à l’unisson me semblait éternel
Rendez-moi
Rendez-moi mes vins mes vignes
jusqu’à l’horizon
et jusqu’à la lie
Le retour
Le retour s’avérait difficile
Il n’avait été toujours entre eux été question de repentirs
Il s’accusait d’être massacré
Elle se repentait d’être femme
et d’attendre
Elle se coucha la première
pendant qu’il était à une réunion
Elle écrivit sur une page de l’agenda
J’ai repassé ton pantalon
et j’ai laissé pour toi sur la table
des tomates et des raviolis
Comme si elle en était encore
à faire au bout de la journée
un signe de croix
Elle avait quarante ans
la bouche rouge encore
et les joues pleines
Elle se repentit
d’avoir tant tardé
et elle partit le retrouver
Ne laissez rien qui me poursuive…
Ne laissez rien qui me poursuive
J’aime que la partie soit en cours
le tricot défait prêt à reprendre et la maille suivante à enchaîner
Mes mains m’ont toujours servi de parole
Ne laissez rien qui ne poursuive
ô mon amour
Tu passeras la porte
et je serai
Elle s’arrêtait
Elle s’arrêtait
comme on a peur et se demande
et disait Plus de coeur
plus de coeur à revêtir de ma main
les contours
des fruits nouveaux à table
Rouge des toits
au travers de la vitre où j’effleurais
hier
un visage
Elle appelait démesure
Elle appelait démesure
son attente sans connaître même
le juste de sa cause
Elle était une torche sur la porte
sans oser jamais brûler
I have not been talked to
I have not been talked to
I have been lectured
I have not been helped I have been cured
I have not been loved I have been patted
Elle aimait le feu
Elle aimait le feu
Elle préparait la soupe de poisson
à Nazarée
sur l’âtre
pendant que l’homme réparait la barque maquillée
comme elle
de l’oeil rouge et noir du destin
à Murcia
Elle tissait l’ombre
pendant qu’il allait tuer dans la lumière
le taureau
sur l’arène et devant la foule
et que parfois il allait mourir
Elle l’enveloppait de ses bras
elle aimait le feu qui de lui*la dévorait même en son absence
mais c’est lui qui ouvrait ses genoux
Ophélie
Elle se laissait glisser doucement
à la volupté des roseaux
des eaux profondes ses amants
Ophélie
Elle osait enfin rire les yeux clos
On l’eût prise pour une folle
Et s’abandonner
Enfin
Quel prince avait voulu lui épargner
Les chemins où l’on s’écorche
Elle était prête depuis si longtemps
Elle s’éveillait
la mort dans l’âme
est une excuse temporelle
et qui te nie
Il faut rendre au matin
ses odeurs de pain chaud
et le bruit de tes pas me fait marcher plus loin
Elle disait
Elle disait
Qu’est-ce que je peux faire
Mes routes et les tiennes sont mêlées
Qui est le lierre et Qui est la maison
Elle disait
Je ne peux revenir en arrière
Pour ne pas dire
Je ne peux rajeunir
Mes pas et les tiens sont mêlés
Ils ont creusé la source
à l’endroit-même
où le Temps se creusait
Et il mit la main sur sa hanche
D’où les enfants jadis leur étaient nés
Elle avouait
Elle avouait
Je reviens toujours aux prémices
A ce crâne
aveugle et tournant
A cet amour de chair
Berceuse dans un car
L’orgue de barbarie des roues
d’où fuse la route en ruban
t’ endort perle tissu de jours aimés moineau
précieux comme un bijou perdu qu’on retrouve sans cesse
Ai-je bien su aux croisements reconnaître chaque herbe
Ai-je bien su porter mon privilège
quand nous étions un mutuel abri
Vivre n’est rien si l’on ne sait bien vivre
Amour qui donne faim quand même on le possède
Mon fils au sommeil nu
Il est temps d’arriver
Mon fils toi qui dois empêcher l’oubli et l’inconscience
Mon juste poids sur terre
Mon regard à mesure d’horizon
Galet
galet chaud aux clameurs de ma tête
route marchée bleu sur le brun des terres
Liséré de pommiers dans la plaine
Quand aurons-nous assez de ce goût de bonheur
Le travail
Et c’est toujours ta course de noyée que tu reprends
Et de l’acquis et de l’attente
tu as à mi-chemin sanglot du rendez-vous
tu arriveras toujours à moins vingt
porteuse sans fin d’inventaires
comme avant le dernier départ
délaissant ta hardiesse pour on ne sait quel rite
pour effacer comme à rebours on ne sait quel péché
le soir
quand la première cloche du « travail »
arrive
tu t’écoutes
et tu poses tes muscles relâchés en corbeille
autour de Ton enfant déjà
Quel repentir alors va te faire recompter
tous les effets
bonnets chaussons
Et l’Avenir
Car sera-t-il fille ou garçon
Quelle angoisse te rive ou bien t’agite
toi qui pour achever de te connaître
jouis de te mesurer au sable de la piste
Accepter l’inconnu comme accepter la nuit
où se meurt cependant un bateau sans dérive
et où tu jettes l’ancre
à chaque fois que tu respires
Pour ne plus rien désirer d’autre
Pour ne plus rien désirer d’autre
il eût fallu peut-être
Pensait-elle
que l’HOMME me couvrît aussi bien qu’un manteau
Peut-être
A une FEMME – POETE
Tant d’innocence conduit à la crucifixion
quand tu parles à la fois de fièvre et d’innocence
et crois pouvoir les joindre par simple démesure
Tu t’entrouvres tendresse mouillée
semblable aux hommes qui disent trop haut comme ils bandent
femme toujours
accouchant de son cri stérile
contenu depuis le commencement du monde
Tu ne sors pas de toi faisant des hommes tes enfants
tu n’accéderas pas à la parole
Tu t’enivres de la danse du cerceau
qui laisse après lui ses cercles de mirages
sur tes hanches blessées
Aimer n’est pas si simple
il n’est pas synonyme de vivre
Tant que j’habitais
Tant que j’habitais un pays lointain
Au pays des hommes
Mes villes interdites mes bois et mes chemins
ma mort
Se peuplaient d’un songe inutile
Quand il ne fallait que m’appartenir
pour t’appartenir à nouveau
La mort est une biche
La mort est une biche qui halète
derrière la porte
Rien qu’une biche*que toute une vie aura apprivoisée
Le quai
Elle va mourir cette fois
Du linge sèche sur le quai du vieux fleuve
ils prennent vraiment la rue pour leur maison
La peur l’a marquée de son écorce grise
plusieurs fois déjà au cours de la vie
Quand l’un des enfants a failli partir
quand ils sont venus en terre étrangère
où sèche maintenant du linge sur le quai
Elle va mourir cette fois
Dieu s’il existe n’est qu’un pauvre de plus
Il se tient à la porte en tordant son béret
*Elle va mourir cette fois*et elle ne comprend pas
Elle ne comprend pas
ce court cheminement de ses jours consciencieux
L’oubli
Et pendant que l’on t’abandonne
les voitures passent inversées
la foule équivaut à une place nette
et le secret
n’est pas de mise
Le repas
Après qu’on eut fait la fête
pour accompagner tous ceux-là
qui n’existent aujourd’hui pas plus
que s’ils n’avaient jamais existé
et pour s’empêcher de pleurer
sur la vie
qu’on n’avait pas vue
Tu es tombée de mon épaule
Tu es tombée de mon épaule
Ta faiblesse m’empêchait de bouger
Ma lourde comme un oiseau
Toi partie
ta faiblesse est devenue ma force
L’aube a pris forme de lézarde
L’aube a pris forme de lézarde
au soleil
Et sans raison demeure
Enfants de nos amours
Paysages trouvés par nos yeux dans la nuit
et détournant le Temps de sa trame
Arrêtant
Je serai la main du peintre et du sculpteur
e donnerai l’outil
Susciterai la révolte et la fièvre
pour nier la mort au ventre du bonheur
Chile
Chile estas tierras despedazadas
Que son tus cuerpos y son el moi
Chile estas tierras despedazadas
Que también el fuego
Ils
Ils
M’ont
Vêtue
De
Leur
Pays
Gémir
Gémir m’a usée
le cri est rouge ou il n’est pas
A l’une
je t’ai vue faite de colère
Lourde de l’injustice faite aux autres
T’étouffant de cris Vivant ta vie par procuration
et te voyant exclue du troupeau des génisses que tu méprises
jalousant parfois jusqu’à leur hébétude
Usée de tes voyages parallèles
auprès de ceux qui ne t’ont jamais vue
Tranquille souvent la haine te reçoit en son antre
et tu sers de sorcière qu’on brûle à ceux
qui se jettent leurs désaccords factices
pour se remettre ensemble bouches et mains se raccrochant
Le spectacle obscène est ta solitude
Captive
dès le premier instant peut-être as-tu su
que tu ne pouvais être parmi eux que par la
voie nocturne de la discorde
Chancelante tu ne marcheras plus
traquée par ton propre désarroi
ta propre vérité et ta propre vengeance
Et moi je ne puis te tendre la main
qu’en mordant la poussière
Et je suis fatiguée
J’attends parfois que se déchaîne la
douceur
Murder
Un jour tout se peuple de cris
la chienne cherche ses nouveau-nés
enterrés sous la pierre
Avec la volonté de n’être pas sentimentale’heure malgré toi te rappelle les heures
Les coups ont souvenir de foudre
et les secrets figés s’ombrent de nuit
Les draps claquant au vent halètent
Les mains se font alors humides de tendresse
et de violence aussi
le silence est une forêt
et l’arbre un pieu au sexe de la terre
Suis-je
Suis-je
en
attente
ou
en
moisson